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Histoire & Patrimoine en Haut Berry Giennois
3 janvier 2013

Une visite à Beaulieu-sur-Loire

Amis lecteurs, amies lectrices, bonjour et avant toute chose permettez-moi de vous souhaiter une excellente et heureuse année 2013.

Comme je l'évoquais dans mon précédent billet, Historivegauche reprend. Ces derniers jours cependant voilà qu'un dilemme m'assaille. Historivegauche reprend, certes, mais quel nouveau sujet traiter en premier ?

J'ai finalement tranché en faveur d'un détail quelque peu insolite - du moins est-ce là mon appréciation - relevé récemment dans le parcellaire de Beaulieu-sur-Loire. 

Beaulieu-sur-Loire, dont les habitants sont les Bellocéens, forme en quelque sorte la limite orientale de notre Haut Berry Giennois. Au-delà s'ouvre le département du Cher et nous entrons franchement dans la zone d'influence de Sancerre. Très joli village de caractère d'un peu moins de 2000 habitants aujourd'hui et très vaste commune, nous aurons l'occasion de revenir sur l'histoire de Beaulieu qui mérite qu'on s'y attarde, et plutôt deux fois qu'une. 

Ce sont les Amis de Beaulieu qui ont eu la gentillesse de me faire découvrir ce que je m'apprête à évoquer ici. Beaulieu conserve un patrimoine bâti d'une grande richesse mais, comme dans nombre d'autres endroits de France, il y a le visible et l'invisible. Ce dont nous allons parler appartient à la seconde catégorie. 

Nous avions eu l'occasion d'évoquer ensemble dans les premiers billets de ce blog les caves anciennes qui serpentent sous le village de Saint-Brisson-sur-Loire. Or c'est par la découverte d'une cave que commence cette (très très modeste) enquête.

Cette cave est située sous une maison bellocéenne située dans le sud du bourg. Constituée d'une salle principale d'environ 5x5m dont la forme est proche du carré, elle en présente une seconde, aménagée directement en creusant le substrat naturel et dont la communication avec la première s'effectue par une petite porte en arc segmentaire dont l'aménagement semble d'ailleurs étonnamment contemporain de l'aménagement de cette première grande salle. 

 

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La "mystérieuse" cave de Beaulieu, vue prise depuis le sud-ouest de la salle principale.

 

Comme vous pouvez le voir sur l'image, la construction de la salle principale a été particulièrement soignée. Les murs sont constitués d'un appareil de moellons calcaires assisés dans un important mortier de sable de Loire. L'espace est voûté d'ogives, les liernes convergeant des murs gouttereaux vers le centre de la pièce où elles retombent sur un unique pilier central octogonal en pierre calcaire locale.

L'accès à la salle se fait par un escalier droit dont la volée de marches longe et prend appui à l'arrière du mur sud. On aperçoit sur l'image la petite porte ménageant l'accès à une seconde salle creusée directement dans le sous-sol naturel.

 

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La seconde salle creusée dans le sous-sol naturel.

 

 

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Porte de la seconde salle à travers laquelle on aperçoit la première.

 

Etonnante seconde salle dont les maçonneries entourant la porte se glissent littéralement sous la voûte de terre pour venir la soutenir. Aucune reprise n'étant clairement visible dans les maçonneries de la grande salle, il semble bien qu'elle ait été aménagée concommitemment à celle-ci. Quel était donc ici le but des constructeurs ? Agrandir la salle principale en en aménageant une seconde ? Aménagement modeste pour stocker quelque surplus ? Projet avorté ? Récupération d'un creusement préexistant pour l'intégrer dans la nouvelle cave ? Toutes les hypothèses raisonnables sont ici permises. 

 

Une cave de cette taille et réalisée avec ce soin a bien évidemment donné lieu à l'expression des fantasmes habituels les plus communs. Qui pour y voir le départ d'un souterrain menant tout droit au château de Courcelles (distant de plusieurs kilomètres), qui pour affirmer qu'il s'agit là d'une crypte et qu'on y donnait même régulièrement des messes, la présence d'arcs gothiques étant automatiquement associée (à tort) par certains aux édifices religieux.

Il va sans dire qu'aucune de ces histoires ne revêt ne fusse qu'un début de commencement de vérité. Comme nous l'avons vu au sujet de Saint-Brisson-sur-Loire, nous nous trouvons dans une région viticole et Beaulieu est du reste l'une des dernières communes du Giennois à conserver de vastes arpents de vigne dont les productions méritent d'être connues. Nous nous trouvons donc très probablement pour ne pas dire de façon certaine face à une cave à vin. Sa datation n'est en revanche pas aisée. Nous ne la croyons pas XIIIe mais elle pourrait bien remonter au courant du XIVe siècle.

Le bâtiment qui la surplombe, dont les murs d'origine sont partiellement conservés apparaît cohérent avec cette cave et paraît lui aussi avoir eu une destination de stockage au moins partiellement.

 

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Au-dessus de la cave un très long bâtiment.

 

Les murs de cette importante construction sont réalisés en petit appareil de pierres calcaires cassées au marteau et assisées dans un mortier. On distingue sur la photographie ci-dessus la présence d'une porte en arc segmentaire en tout point comparable à celle déjà aperçue dans la cave. La charpente et son égoût libre (encore aujourd'hui) apparaissent sinon nécessairement d'origine, du moins anciens.

Le retour à la surface révèle l'existence à l'ouest de ce bâtiment d'autres constructions semblant avoir jadis fonctionné avec lui autour d'une vaste cour centrale grossièrement carrée.

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La cour vue depuis l'est.

 

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Autre vue de la même cour prise en direction du sud-ouest.

 

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Détail du puits aperçu sur l'image précédente.

 

Du reste, à l'extrémité nord du long bâtiment surplombant la cave, un autre puits, donnant sur la rue, assez probablement d'usage banal mérite le coup d'oeil et remonte, de même que celui présent dans la cour, au moins au XVe siècle.

 

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Le puits ouvert sur la rue à l'extrémité nord du bâtiment à l'aplomb de la cave.

 

A quoi avons-nous donc à faire ? L'importance, le nombre et le soin dont font preuve les bâtiments encore présents et qu'il semble que l'on doive attribuer au XIV ou au XVe siècles posent question. L'observation du parcellaire en soulève d'autres. Situés au sud du bourg (l'enclos grossièrement formé par les bâtiments étant matérialisé en forts traits rouges), il semble que ces bâtiments n'aient jamais été entourés d'autres constructions jusqu'à une période fort récente voire strictement contemporaine et ce alors même que ces constructions se trouvent établies à l'intérieur de l'enceinte médiévale de Beaulieu (matérialisée en forts traits oranges). En regardant de près la photo satellite (les nouvelles technologies sont souvent de précieuses alliées) on perçoit très clairement l'existence d'un parcellaire lâche occupés ici et là de constructions manifestement modernes. Une ligne de partage peut être tracée (ligne rouge plus atténuée) au sud de la route, mettant en évidence la seule présence du groupe de bâtiments et de sa cour dont nous venons de parler au milieu d'un vaste espace non bâti, le tout abrité par les murs de la ville, lesquels furent probablement érigés durant la guerre de Cent Ans.

Beaulieu enceinte de la ville surlignée

Photo satellite de Beaulieu, en orange le tracé des murs de la ville.

En rouge l'enclos étudié, en rosé la ligne de partage sous la voie commune.

 

On remarque que si le sud du bourg n'est pas le seul à présenter des terrains nus à l'intérieur même de l'enceinte urbaine, cette partie du bourg est la seule à en présenter une telle proportion aujourd'hui encore.

Enclore du vide ? Le phénomène n'est pas nouveau; il a notamment été observé à Bourges au XVe siècle où les terrains enclos par l'enceinte urbaine ne seront en définitive pas tous lotis. Les Amis de Beaulieu qui publient régulièrement le résultat de leurs recherches dans le bulletin de leur association avaient d'ailleurs déjà remarqué cette pratique mais il semblerait qu'au contraire des autres terrains restés libres dispersés le long de l'enceinte ceux situés au sud de la voie commune se soient organisés autour de l'enclos rouge qui semble représenter les restes d'une importante exploitation agricole du XIVe ou du XVe siècle. Une exploitation agricole dont une partie au moins des terres aurait donc été enclose avec le reste des habitations déjà existantes ainsi qu'une importante proportion de terrains vierges dispersés dans le bourg, sans doute dans l'hypothèse de lotissements futurs, évitant ainsi la formation immédiate de faubourgs qu'il faudrait alors enclore à nouveau, des lotissements qui, ici comme à Bourges, ne vinrent jamais.

A qui appartenait cette importante ferme ? Mystère. On peut cependant rappeler que les chanoines de la cathédrale de Bourges étaient seigneurs de Beaulieu et possédaient un château accolé à l'église paroissiale dont demeurent d'ailleurs quelques vestiges. Etaient-ils aussi propriétaires de cet ensemble et le firent-ils enclore pour le protéger ainsi que le reste du village face à l'insécurité que faisaient régner anglais, bourguignons et routiers ? Il apparaît en effet quelque peu improbable que l'érection des murs de la ville ait été réalisée avant la construction de cet ensemble agricole, un tel vide au sud d'un espace déjà bien loti serait plus que surprenant à notre avis.

Une question à creuser mais à tout le moins voilà des dispositions qui interrogent.

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