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Histoire & Patrimoine en Haut Berry Giennois
27 décembre 2009

Les dessous de Saint-Brisson-sur-Loire, partie 1

Les dessous de Saint-Brisson-sur-Loire

première partie

La viticulture était autrefois très développée dans le giennois qui s'enorgueillit de posséder aujourd'hui une Appellation d'Origine Contrôlée. Inévitablement cette activité a marqué le paysage. C'est notamment le cas à Saint-Brisson-sur-Loire. Vous avez été nombreux (près de 80 !), à venir découvrir la ville et quelques unes de ses caves anciennes, lors des 25e Journées Européennes du Patrimoine, les 19 et 20 septembre derniers, à l'occasion des visites organisées et menées par votre serviteur. Je vous propose donc de replonger en ma compagnie dans les dessous de Saint-Brisson…

Cet ancien village viticole garde le souvenir de son idylle avec le sang de la terre dans son sous-sol, transformé en véritable fromage de gruyère au fil des siècles. Car ne nous y trompons pas, les caves de Saint-Brisson, loin des fantasmes et des légendes, sont bel et bien des caves à vin.

L’histoire de la vigne en ces lieux est millénaire ; elle remonte au Xe siècle ou au plus tard aux années qui suivirent directement l’an mil, lorsque le seigneur d’alors fonda un prieuré au nord de l’église actuelle. Les bénédictins qui s’y établirent durent rapidement planter de la vigne pour les besoins de la célébration de l’Eucharistie et leur consommation quotidienne. Quand le prieuré Sainte-Marie entra par la suite dans les possessions de l’abbaye de Fleury, vers 1060, les moines de Saint-Benoît perpétuèrent  et développèrent cette culture, leur prieuré voisin de Châtillon leur ayant fait acquérir de solides connaissances en ce domaine.

La Loire

favorisant le commerce de cette denrée coûteuse, les moines ne conservèrent sans doute pas longtemps le monopole de cette activité, comme en témoigne la cave gothique du château.

Construite au début du XIIIe siècle et appartenant probablement à une grange aux dîmes disparue depuis, elle présente une longueur de trois travées[1] couvertes de voûtes d’ogives quadripartites[2] dont les nervures reposent sur de petits culs-de-lampes[3] géométriques. Chaque travée présente deux niches, larges et profondes, ouvrant de part et d’autre de l’allée – six au total donc – et dont la fonction était de pourvoir au stockage des fûts de vin. Une partie de ce vin formait la cave personnelle du châtelain, majoritairement composée de vin de Sancerre, l’essentiel étant cependant occupé par le produit de la dîme et des tailles. En effet, la monnaie étant relativement peu répandue sous l’Ancien Régime, particulièrement au Moyen Age, les impôts étaient en grande partie payés en nature. L’existence de cette vaste cave prouve assez, s’il en était besoin, la présence déjà importante de l’activité vinicole dans le village dans les années 1200. En outre le seigneur avait le privilège d’être le premier à mettre ce vin nouveau sur le marché, lui assurant ainsi de pouvoir se défaire de l’intégralité de son stock contre monnaie sonnante et trébuchante.

Une autre cave remarquable se trouve au n° 3 de la rue d’Autry, propriété de Mme Bernard. Datable des environs de 1250, elle semble représenter le dernier vestige tangible du manoir seigneurial disparu d’un petit aristocrate vassal du seigneur de Saint-Brisson.

Fait doublement original, elle est construite sur un plan en forme de L, sans doute dû à des contraintes liées à d’autres aménagements ou à un problème rencontré au cours du chantier, et elle a été creusée à la manière d’un tunnel et non selon le procédé traditionnel consistant à créer une tranchée à ciel ouvert que l’on rebouche après avoir procédé au montage des voûtes, tirant parti ici d’un sous-sol gréseux d’une certaine dureté. Afin de s’assurer cependant de la bonne tenue du plafond, l’ensemble a été placé sur croisées d’ogives quadripartites définissant trois travées, séparées les unes des autres par un massif arc doubleau. Les proportions de ces croisées d’ogives dans le plus pur style gothique et la qualité de la sculpture des nervures et des supports servant à les recevoir – culs-de-lampes et colonnes engagées – sont remarquables. Comme il n’était pas possible de construire une véritable voûte, faute de tranchée, seules les nervures ont pu être posées, les voûtains[4] quant à eux sont ébauchés dans le grès du plafond.

Cet aristocrate installé là faisait-il exploiter lui-même la vigne sur ses terres ? C’est probable. Bien que très inférieure en volume à celle du château et dépourvue de niches latérales, on pourrait tout de même trouver, de nos jours, à y répartir une quinzaine de fûts sinon davantage.

Saint_Brisson_photos_urgentes_2_039

Cave du château, on remarque de part et d'autre les niches destinées à accueillir les fûts.

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Cave de Mme Bernard, vue prise depuis la deuxième travée.


[1] Travée : espace compris entre deux supports verticaux (colonnes, piliers).

[2] Voûte d’ogives quadripartite : croisement de deux berceaux lisses définissant quatre voûtains.

[3] Cul-de-lampe : console d’encorbellement constituée d’une pierre saillante servant à supporter une base de colonne, la retombée d’un arc, des nervures de voûtes ou encore une statue et dont la forme rappelle le dessous d’une lampe d’église.

[4] Voûtain : compartiment d’une voûte délimité par des arêtes ou des ogives.

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