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Histoire & Patrimoine en Haut Berry Giennois
22 janvier 2015

Le château de Saint-Brisson s'enfonce dans les ténèbres et le silence.

Voilà, c'est fait. Le 30 décembre dernier, le château de Saint-Brisson-sur-Loire a fermé ses portes. Le lendemain, l'association des Amis du Château remettait les clés à la mairie à l'issue de sa délégation de service public.

Oh cela paraît bien dérisoire après les jours terribles que nous venons de vivre... Mais même cette actualité n'aura pas fait fléchir, encore moins réfléchir semble-t-il les élus de la commune de Saint-Brisson-sur-Loire, leur maire en tête, Claude Pléau dans leur détermination absurde, pour ne pas dire davantage, à vouloir, quoi qu'il puisse en coûter, se débarrasser du château de Saint-Brisson, propriété de la commune depuis qu'il lui fut légué un jour d'avril 1987 par la générosité de ses dernières propriétaires, Marie-Brigitte et Anne de Ranst de Berchem.

Le château de Saint-Brisson-sur-Loire illuminé par les bénévoles de l'ACSB pour son dernier Noël au château. 23 décembre 2014. (Photo A. Estienne.)

Ce soir, au moment même où j'écris ces lignes, le conseil municipal de la commune vote la sortie du domaine public du château et de ses dépendances, suite à leur "désaffectation". Cette procédure est à l'évidence le préalable à sa vente. Désaffection serait plus près de la vérité, non ? Impossible de ne pas s'interroger très profondément sur les motivations de ces gens, de ce monsieur Pléau en particulier. On vend parce que c'est trop cher pour la commune bien sûr ! Diront les naïfs. Eh bien non justement, même pas. Et c'est là finalement le plus ahurissant. Ce monument équilibrait ses comptes, chose bien rare étant donné les moyens modestes dont il disposait pour se faire connaître. 

Dans une campagne de dénigrement orchestrée par la municipalité, on l'a accusé soudain de tous les maux : il est passé en quelques mois de fierté du village à "monstre" et autre "épée de Damoclès". Parce qu'il nécessitait des travaux énormes, et nous y voilà ! Voilà ce qui allait coûter cher à la commune ! Entre un et deux millions qu'il a dit le maire ! ... Sauf que... ce n'est pas du tout ce que dit l'audit de travaux effectué l'été dernier qui donnait pour plus ou moins 270.000 € sur 20 ans. On se souviendra pour mémoire que la même commune a consenti des travaux relativement conséquents sur l'église (électricité, chauffage etc...) pour un ordre de grandeur approchant les 100.000 € ces dernières années sans que cela soulève d'opposition, alors que le retour sur investissement est ici de zéro et que les usagers se font rares... Ou encore plus récemment, la réfection d'un simple mur de cimetière, pas bien grand ni bien haut, a coûté la coquette somme de 90.000 € sans là encore soulever les foudres de personne... Mais consentir des sommes de cette nature dans des travaux subventionnables et avec perspectives de retour sur investissement au château : non.

Les arcades néo-Renaissance embrasées. 23 décembre 2014. (Photo A. Estienne.)

Refus du dialogue, position dogmatique imposée à l'ensemble de la population sans la moindre consultation, désinformation, "Nous avons été élus" vont-ils certainement avoir le culot de clamer, sûrs de leur argument d'autorité ! Mais être élu c'est administrer sa commune, pas dilapider son patrimoine, pas ruiner son activité culturelle en refusant toutes les mains tendues, toutes les alternatives proposées ! Par ailleurs la décision (qui va suivre, n'en doutez pas), de mettre en vente le château, dépasse de beaucoup le droit moral et la légitimité de ce conseil. En effet, autant accepter le legs du monument, alors presque en ruines, il y aura bientôt 30 ans était un pari fou mais réversible (rien n'empêchait de le revendre si cela tournait au fiasco), autant aujourd'hui, vendre le château presque intégralement restauré est une décision irréversible. La commune de Saint-Brisson n'est pas Orléans ni Bourges, elle ne pourra pas revenir en arrière, elle n'aura jamais les moyens de racheter ce qu'elle aura vendu. De ce fait cette décision engage tous les conseils municipaux de Saint-Brisson-sur-Loire à venir, tout l'avenir de cette commune est ainsi obéré. Vous n'en avez tout simplement pas le droit messieurs dames. Pourtant vous allez le prendre, c'est évident. 

Plus largement, c'est tout le bassin Giennois qui prend un coup terrible dont il aura du mal à se relever. Une grande part du programme culturel de ce bassin avait pour cadre le château de Saint-Brisson; et j'ose le dire, la meilleure part. Concerts, expositions, théâtre, salon du livre jeunesse, activités thématiques, ateliers divers, visites, animations estivales, et j'en oublie. La région de Gien avait déjà un gros déficit culturel, maintenant elle a un gouffre. Avec quoi le bassin va-t-il attirer de nouvelles populations ? Avec quelle attractivité ? Que lui reste-t-il à proposer ? La saison touristique 2015 s'annonce déjà une catastrophe : les deux principaux monuments du bassin, Gien, château d'Anne de Beaujeu actuellement en travaux est fermé jusqu'en septembre, et Saint-Brisson fermé jusqu'à... fermé tout court. Que va-t-on proposer comme point fort aux touristes ? Et que va-t-on leur dire ? Quelle image cela renvoie-t-il de cette région qui aurait tout pour réussir et qui gâche tout ? Qui va globalement à rebours de toutes les politiques à l'échelon national.

Château de Saint-Brisson-sur-Loire, l'aile ouest illuminée. 23 décembre 2014. (Photo A. Estienne.)

En ma qualité de membre et de bénévole de l'association des Amis du Château de Saint-Brisson-sur-Loire depuis déjà longtemps, ayant par ailleurs consacré mon mémoire de Master 2 à l'étude de cette commune et de son château, je suis affligé de voir cela. 27 ans d'efforts déployés par des dizaines de personnes, pour des centaines, des milliers de visiteurs et d'usagers chaque année au rendez-vous et de plus en plus nombreux (oui la fréquentation connaissait une hausse constante depuis 3 ans !), tant de moyens humains et financiers investis par l'association pour en arriver là. A être mis dehors avec un incroyable mépris. Quel gâchis... Et je ne parle même pas des deux emplois détruits ou de la façon dont on récompense les 25 ans de travail remarquable de la directrice du site. 

J'ai bien conscience que ce billet ne va pas faire que des heureux; ça m'est égal. J'en ai assez de ce silence. J'en ai ras-le-bol ! 

Que va-t-il advenir du château ? Que va-t-il advenir de ses riches collections que rien ne protège ? Le vendre à un propriétaire privé c'est de facto mettre en péril, à court comme à long terme ce site et son contenu. Il fut légué meublé à la commune, avec son mobilier d'origine, dont certaines pièces sont tout à fait remarquables. Tout cela pourra désormais être dispersé. Quand bien même le futur acquéreur respecterait-il le site, il ne sera lui-même pas éternel : qu'adviendra-t-il le jour de sa succession ? Tout cela est navrant et très inquiétant. Au moment où nous avons le plus besoin de culture, l'actualité nous le rappelle si douloureusement, voilà qu'ici on nous l'enlève. On nous dit que la culture coûte cher. Possible, en l'occurrence elle ne coûtait pas grand chose ici et ravissait beaucoup de monde. Mais quand bien même, essayez donc l'ignorance pour voir. Remarquez il semble que certains aient déjà franchi le pas ces derniers temps...

Billet d'humeur, parce que trop c'est trop.

Antoine Estienne.

 

 

 

 

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